Précisons de suite que cet article vise à cerner davantage la jalousie dite “pathologique”, “passionnelle”, ou encore “morbide”.

De cette jalousie que l’on pourrait qualifier de lancinante, ravageuse et qui plus est, totalement injustifiée. Le sujet a alors une idée fixe: “l’autre est infidèle” et interprète n’importe quoi, n’importe quand, n’importe comment en fonction de ce postulat de départ.
Le voici donc parti dans des interprétations soigneusement construites et qui vont enrichir son délire. Faisant fi de preuves, il les anticipe, voit le mal partout. Sans relâche, il souffre et fait souffrir.
De cette personne jalouse passionnée qui préfèrerait voir l’objet de son amour mort plutôt que de le savoir heureux avec un tiers. L’autre étant considéré comme une propriété privée, le moindre fait qui viendrait prouver le contraire peut entraîner un passage à l’acte: épier, persécuter, harceler de soupçons,… en passant par la tentative d’homicide, de meurtre ou la démarche suicidaire.

Essai de définition

En réalité, les crises de jalousie peuvent être de deux types: aiguës ou chroniques.
Dans le premier cas, elles sont passives et accidentelles. Dans le deuxième cas, l’élaboration d’une conception délirante de la réalité, incorporée à la personnalité, est lente et progressive ; elle s’élabore au fil du temps.
Pour affiner, concentrons-nous sur le délire passionnel. Les délires passionnels (revendication, érotomanie, jalousie) sont caractérisés par une participation émotionnelle, affective et thymique dominante autour d’un postulat de base. Certains parlent de délires affectifs.
En bref, les délires tournent donc bien autour d’un thème prévalent obsédant; les comportements pathologiques quant à eux sont secondaires à cette participation affective intense et à la croyance en cette idée.
Les moments paroxystiques alternent avec des moments d’accalmie ainsi qu’avec des moments dépressifs, voire suicidaires.

Cette jalousie délirante est pathologique par:

  • l’inadéquation de la réaction: perspicacité morbide avec enquête, filature, mise en cause des amis et de la belle-famille, “ils sont complices”, recherche de taches sur les sous-vêtements, “preuves”, …
  • la projection de ses propres fantasmes sur le tiers du même sexe.

A ne pas confondre avec :

  • Jalousie délirante de l’alcool chronique (au cours d’ivresse, d’épisodes confusionnels). Ces manifestations disparaissent après sevrage.
  • Thème de la jalousie dans la schizophrénie paranoïde.
  • Début d’une démence sénile: extension pauvre, idées de persécution absurde, puériles.
  • Réaction de jalousie des personnalités sensitives ou dépendantes. C’est ce mode de jalousie non délirante qui reste le plus fréquent. Cette jalousie devient pathologique par l’importance de la souffrance et des manifestations qu’elle entraîne.

Un terrain fragilisé au départ

On remarque souvent chez la personne qui en souffre: une avidité affective, de la possession et une hyperréactivité à toute frustration, de quelque ordre qu’elle soit.
La personne se vit comme étant inférieure et craint ainsi d’être remplacée par quelqu’un d’autre paré de toutes les qualités qu’elle n’a pas.
Au début de la relation, dans la phase de « fusion » amoureuse, le symptôme peut passer inaperçu. Mais dès que l’autre prend plus d’indépendance, le drame se rapproche.
L’individu jaloux sent l’autre lui échapper et le vit comme un dommage subit : c’est là que les choses deviennent de plus en plus incontrôlables.

La jalousie passionnelle: pathologie individuelle ou pathologie de couple?

Tout d’abord, soulignons combien les concepts de “normalité” et de “pathologique” sont déjà bien difficiles à définir: notions fluctuantes au fil du temps, des époques et des recherches en psychopathologie.
Inutile de rappeler qu’à côté des empreintes individuelles, toute l’organisation sociale marque le développement humain, en fixe les normes de fonctionnement et les modèles.
Dans son livre “Le couple: sa vie, sa mort”, J.-G. Lemaire ne nie cependant pas qu’aliénation sociale et trouble psychique sont des concepts bien distincts qui ne se rejoignent que dans certaines circonstances.
Comme le revendique la philosophie, chaque approche a son importance: la psychologie ne peut ignorer la sociologie, ni se réduire à la biologie. Il serait plus qu’hasardeux de parler de cause à effet en psychopathologie.

Ainsi pour le sujet qui nous intéresse, la jalousie passionnelle, devra-t-on parler de fragilité intrapsychique personnelle (liée à la petite enfance, à des traumatismes) ou bien de conditions pathogènes d’un milieu défavorable ou encore d’interaction entre les deux. Car en fin de compte, y a-t-il vraiment incompatibilité entre une définition individuelle et une définition systémique?

Le couple, me semble-t-il, est un lieu par excellence où la frontière entre le normal et le pathologique est particulièrement floue. En effet, la vie amoureuse ne recourt-elle pas à des fonctionnements psychiques venant de processus archaïques qui vont entrer en interaction avec ceux du partenaire?

Des traces névrotiques ou psychotiques peuvent être muettes jusqu’à ce que s’exprime la passion amoureuse.

Nous fonctionnons tous à certains moments selon des modes archaïques; c’est seulement lorsque nous ne pouvons passer à d’autres modes que nous sommes dans le terrain du pathologique.

Les pulsions agressives, l’ambivalence, la possession de l’autre, … sont bel et bien des composantes inéluctables d’une vie amoureuse dite “normale”. Mais dénier la réalité de façon prolongée pour tenter de méconnaître ce qui se passe en nous, voilà qui serait davantage pathologique. Que penser alors de ces êtres dont le contraste entre la vie à l’intérieur du couple et celle à l’extérieur du couple est si grand?

Personne équilibrée dans le social et tortionnaire dans le privé ou inversement?

En fait, je pense qu’il est impossible d’aborder le problème de la psychopathologie amoureuse d’un point de vue strictement individuel. L’imbrication des vulnérabilités ne peut se concevoir que dans un système fait d’interactions (système qui peut renforcer ou au contraire atténuer le problème) et dans lequel les enfants ont eux aussi leur place.

Faut-il alors en conclure qu’il n’y a pas de pathologie individuelle?

Ce serait sans nul doute virer dans l’autre extrême.

Le symptôme en lui-même dénote bien une blessure interne. Si l’on prend l’orientation systémique, l’idée pour simplifier est que tout système tend à maintenir un certain équilibre (homéostasie). Sous cet angle, on pourrait définir comme étant pathologique tout couple où les rétroactions amplifient les processus pathologiques présents chez chaque individu.

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Florence,
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